La géotechnique est complexe mais ne serait pas très compliquée si on ne la rendait pas telle en négligeant la géologie et en confondant les buts et les moyens, les études et les sondages. Ses buts sont les études des sites que l’on a choisis afin d’y adapter les ouvrages que l’on va y construire et/ou de prévenir les risques que l’on y court.
Les moyens tant intellectuels que matériels de les atteindre sont nombreux et variés ; tous sont utiles, certains sont nécessaires, aucun n’est suffisant ; la façon de les utiliser, la méthode, est loin d’être unanime.
La géophysique, la géo-mécanique et l’hydraulique souterraine sont les disciplines mathématisées de la géotechnique ; elles proposent et manipulent un milieu homogène, invariant…, et des modèles très schématiques, toujours éloignés du réel.
Un sondage mécanique, un essai in situ ou sur échantillon ne concerne strictement qu’une fraction de matériau, hétérogène, variable… sur laquelle il s’exerce ; en étendre le résultat à une zone plus ou moins vaste du site n’est mathématiquement pas possible, même en recourant à la statistique.
Les paramètres de Coulomb, de Hoocke ou de Darcy, les milieux et les modèles de Rankine, de Fellenius, de Boussinesq, de Dupuit…, les conditions aux limites prêtées aux phénomènes étudiés, sont des abstractions commodes pour intégrer des équations de champ et manipuler les formules biunivoques qui en proviennent ; les résultats auxquels conduisent ces formules et leurs paraphrases informatiques, correspondent à des ordres de grandeurs qu’il est indispensable de connaître mais qu’il serait imprudent d’utiliser sans critique.
Pour réussir le passage de l’échantillon et/ou de l’essai au site, il est nécessaire de recourir à la géologie, à la géomorphologie, à la géodynamique… ; elles décrivent des matériaux et des modèles complexes mais nettement moins schématiques : la nécessité évidente de ce recours est sans doute la raison qui avait conduit Terzaghi à définir le géotechnicien comme un géologue qui serait aussi mécanicien et non comme un mécanicien qui serait aussi géologue ; pour étayer ce point de vue, je rappelle que la plupart des accidents géotechniques sont dus à l’inadaptation de l’ouvrage au site, à la méconnaissance de la géologie et non à des erreurs de calculs géomécaniques . La nature n’est pas capricieuse ; le sol n’est pas vicieux : aux constructeurs de s’accommoder de ce qu’ils sont ; la géotechnique le leur permet.
Les catastrophes ne sont pas naturelles : les effets paroxystiques mais normaux des phénomènes naturels sont catastrophiques quand on ne tient pas compte de leur éventualité ; la géotechnique permet d’éviter ou au moins, de prévenir les catastrophes. « On ne résout pas les problèmes en sabrant leurs solutions » (Victor Hugo)
Trente cinq ans après
La première forme de cet essai date de 1971 ; la dernière date de 1997. Entre temps, la géotechnique s’est fait un nom et une place parmi les géosciences et les techniques de la construction, de l’aménagement du territoire et de l’environnement ; mais elle a peu évolué, bien que durant ces trois dernières décennies, son domaine se soit sensiblement modifié. Aux autoroutes se sont ajoutées les voies ferrées à grande vitesse dont les tracés sont plus difficiles à adapter aux sites tourmentés.
Les grands aménagements hydroélectriques, souvent montagnards, étaient à l’échelle régionale ; les centrales électronucléaires, relativement petites et généralement de plaines, sont à l’échelle locale. On a construit davantage de fragiles pavillons que de solides immeubles. Les grandes fouilles urbaines et les grands tunnels ferroviaires et routiers se sont multipliés.
Les problèmes de pollution des nappes aquifères avaient largement dépassé ceux de leurs ressources et exploitations qui redeviennent d’actualité. Le respect de l’environnement qui ne faisait pas vraiment partie des préoccupations des aménageurs de naguère, est devenu l’élément favori d’un projet… Et malheureusement, les dommages aux chantiers et aux ouvrages sont aujourd’hui aussi fréquents qu’il y a trente cinq ans ; ils ont toujours d’aussi graves conséquences économiques et parfois même humaines, mais maintenant, les maîtres d’ouvrages et les juristes contestent souvent l’aléa géologique ou le vice du sol, traditionnellement évoqués par les constructeurs en difficulté. Ainsi, le besoin de géotechnique efficiente est toujours actuel.
Il faut donc rappeler aux praticiens et aux utilisateurs de la géotechnique, qu’il existe une méthode cohérente, stable, facile à mettre en œuvre et efficace. C’est ce qui justifie les éditions successives de cet essai dont la persistance est la meilleure preuve de son utilité.
Des échantillons au site
Le progrès technique général a permis d’améliorer les matériels et les procédés : on dispose facilement de photographies aériennes et satellitaires dédiées ; sur le terrain, on s’implante au GPS ; les sondeuses sont devenues hydrauliques et/ou électriques, plus ou moins automatiques ; les appareils de géophysique et d’essais in situ ont largement profité des développements de l’électronique et de l’informatique ; il en a été de même des appareils de laboratoire et de bureau ; les prises et exploitations de mesures, ainsi que les études elles-mêmes, ont été complètement transformées par l’informatique. Pourtant, les principes, les théories, les méthodes et les pratiques n’ont pas changé : on confond encore géomécanique et géotechnique en faisant passer les campagnes de sondages et d’essais pour des études géotechniques et on ignore la géologie appliquée au BTP qui seule permet d’assurer le passage des échantillons au site, indispensable à l’étude géotechnique de quelque ouvrage que ce soit.
Les principes
Les principes de la géotechnique sont simples mais leur expression est compliquée, car ils procèdent à la fois de la géologie et de la physique, de l’observation, de l’expérimentation et du calcul.
À partir du terrain, la géologie étudie la morphologie et le comportement des géomatériaux réels, roches et sols constituant le sous-sol d’un site, qui sont tangibles, discontinus, variables, hétérogènes, anisotropes, contraints, pesants et bien plus que cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut que le constater. À partir de sondages et d’essais, la géomécanique les réduit aux milieux virtuels d’un modèle qui doivent être continus, immuables, homogènes, isotropes, libres, parfois non pesants et rien que cela : le traitement mathématique l’impose. Pour passer des premiers aux seconds, de la réalité à l’image, il suffit d’un peu d’imagination et d’usage ; pour repasser ensuite et nécessairement des seconds aux premiers, des échantillons au site, il faut ajouter que les géomatériaux ne sont pas désordonnés, que leurs hétérogénéités et leurs comportements ne sont pas aléatoires, mais qu’au contraire, ils sont structurés de façon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la géologie: tout résultat d’essai et de calcul géomécanique incompatible avec une observation géologique, est inacceptable en géotechnique.
Les théories
La plupart des théories géologiques sont établies depuis longtemps et sont largement vérifiées par l’observation : tectonique des plaques – accrétion, subduction ; cycle géologique – surrection, érosion, transport, sédimentation, diagenèse, métamorphisme ; cycle de l’eau – évaporation, transport atmosphérique, précipitations, ruissellement, infiltration, résurgence… La plupart des géomécaniciens n’en tient pas souvent compte ou même les ignore. Dans l’état actuel de nos connaissances mais sans doute par essence, une théorie unitaire de la géomécanique ne peut pas être formulée ; ses théories restreintes de formes artificiellement simples sont trop particulières pour être généralisées ; elles ont une origine occasionnelle : confronté à un problème technique nouveau, un praticien a essayé de le résoudre en s’appuyant sur l’étude expérimentale d’un phénomène qu’il supposait influent et qu’il a isolé ; les lois de Hooke, de Coulomb, de Darcy, les théories proposées par Terzaghi, Ménard… sont plutôt des hypothèses que l’usage ne valide pas toujours. Et même en admettant la possibilité d’une généralisation prudente, on se heurte au difficile passage des échantillons au site ; la géomécanique le fait par intégration d’équations de champs dans des intervalles de définition et des conditions aux limites imposées par la technique de calcul plutôt que par la prise en compte de la réalité, ce qui conduit à des modèles extrêmement schématiques, même si l’on admet que les matériaux des échantillons représentent bien les géomatériaux du site.
Mais la géomécanique ignore ce que sont réellement les géomatériaux d’un site, car elle ne les représente que par quelques paramètres et elle ne manipule que quelques données ponctuelles obtenues par sondages et essais, tellement peu nombreuses qu’il serait ridicule de leur attribuer une quelconque valeur statistique.
Les méthodes
Les méthodes de la géologie sont anciennes et éprouvées : documentation pour éviter de perdre son temps à retrouver ce que d’autres ont décrit et savaient, indispensables observations de terrain, télédétection, mesures géophysiques, sondages étalons… synthétisés par des cartes et des coupes à diverses échelles. Rares sont les géo-mécaniciens qui en utilisent et même qui éprouvent le besoin d’en disposer.
Les méthodes de la géo-mécanique, sondages mécaniques pour établir des coupes et recueillir des échantillons que l’on voudrait «intacts», essais sur ces échantillons, calculs… sont les objets de normes, directives et formules dont le respect est censé les rendre parfaitement sûres ; le constructeur d’un ouvrage endommagé sera certainement considéré comme responsable du dommage souvent qualifié un peu vite de «géotechnique», si l’on considère qu’il ne les a pas respectées, ce qui est le plus souvent subjectif mais difficilement réfutable devant un juge. Afin de définir une méthode cohérente de l’étude géotechnique, il serait vain de remettre en question tout ce dont on dispose ; on n’aurait en effet rien d’autre à proposer.
Par contre, on peut d’abord recenser et critiquer les principes, les théories et les méthodes de la géologie, de la géophysique, de la géomécanique, de l’hydraulique souterraine... pour essayer d’en tirer un fonds commun qui servira de base à cette étude.
Les pratiques
L’étude géotechnique est aussi une opération commerciale généralement engagée après consultation ou appel d’offres, et réglée par un contrat de louage de service qui lie le géotechnicien au maître d’ouvrage ; mal préparée, mal conduite, parfois frelatée, cette opération peut entraîner des déboires économiques et même des dommages matériels au chantier et/ou à l’ouvrage ; il est donc indispensable d’en définir le cadre et d’en critiquer la pratique.
Ainsi l’activité professionnelle du géotechnicien est une source de responsabilité fondée sur des lois et règlements qu’il doit connaître et respecter, mais qu’il peut aussi critiquer : généralement, il n’intervient pas directement sur l’ouvrage ni même au delà de l’avant-projet ; vis-à-vis du maître d’ouvrage, il n’a alors qu’une obligation de moyens, pas de résultat ; il n’est donc pas un constructeur au sens de la loi.
Ce n’est évidemment pas ce que voudraient les assureurs des constructeurs et leurs conseils : ils essaient toujours de convaincre les juges du contraire ; ils peuvent y parvenir si le géotechnicien n’a pas clairement spécifié la nature et les limites de son intervention dans son contrat et dans son rapport. Pour garantir les constructeurs d’un ouvrage endommagé, il pourrait évidemment devoir répondre de son obligation si ses conseils les avaient induit en erreur, mais alors, ce serait à eux de le démontrer. L’efficacité de l’étude Ma conception de la géotechnique est fondée sur une connaissance de la géologie, de la géomécanique, de l’art de l’ingénieur, du commerce et du droit acquise par l’étude, la lecture, la conversation, l’expérience et la pratique de tous les jours pendant plus de quarante ans ; son application impose d’utiliser avec prudence, le peu que l’on sait et dans lequel on n’a qu’une confiance limitée, pour répondre à des questions précises qui engagent des intérêts plus sérieux que son propre prestige.
Elle est justifiée par l’efficacité de l’étude: ça marche ou ça ne marche pas. Et il faut toujours que ça marche! Afin d’alléger ce texte, je ne m’étendrai pas sur ce qui est classique en géotechnique ou que j’ai traité dans d’autres ouvrages ; sans excès de formalisme, j’insisterai par contre sur ce qui, même de façon insolite, peut éclairer la géotechnique sous un angle original ou révélateur pour justifier une démarche pragmatique et cohérente. «Une des bases de la méthode expérimentale est le doute... Il n’y a de vérité absolue que pour les principes mathématiques ; pour tous les phénomènes naturels, les principes desquels nous partons, de même que les conclusions auxquelles nous arrivons, ne présentent que des vérités relatives» (Claude Bernard).
Les moyens tant intellectuels que matériels de les atteindre sont nombreux et variés ; tous sont utiles, certains sont nécessaires, aucun n’est suffisant ; la façon de les utiliser, la méthode, est loin d’être unanime.
La géophysique, la géo-mécanique et l’hydraulique souterraine sont les disciplines mathématisées de la géotechnique ; elles proposent et manipulent un milieu homogène, invariant…, et des modèles très schématiques, toujours éloignés du réel.
Un sondage mécanique, un essai in situ ou sur échantillon ne concerne strictement qu’une fraction de matériau, hétérogène, variable… sur laquelle il s’exerce ; en étendre le résultat à une zone plus ou moins vaste du site n’est mathématiquement pas possible, même en recourant à la statistique.
Les paramètres de Coulomb, de Hoocke ou de Darcy, les milieux et les modèles de Rankine, de Fellenius, de Boussinesq, de Dupuit…, les conditions aux limites prêtées aux phénomènes étudiés, sont des abstractions commodes pour intégrer des équations de champ et manipuler les formules biunivoques qui en proviennent ; les résultats auxquels conduisent ces formules et leurs paraphrases informatiques, correspondent à des ordres de grandeurs qu’il est indispensable de connaître mais qu’il serait imprudent d’utiliser sans critique.
Pour réussir le passage de l’échantillon et/ou de l’essai au site, il est nécessaire de recourir à la géologie, à la géomorphologie, à la géodynamique… ; elles décrivent des matériaux et des modèles complexes mais nettement moins schématiques : la nécessité évidente de ce recours est sans doute la raison qui avait conduit Terzaghi à définir le géotechnicien comme un géologue qui serait aussi mécanicien et non comme un mécanicien qui serait aussi géologue ; pour étayer ce point de vue, je rappelle que la plupart des accidents géotechniques sont dus à l’inadaptation de l’ouvrage au site, à la méconnaissance de la géologie et non à des erreurs de calculs géomécaniques . La nature n’est pas capricieuse ; le sol n’est pas vicieux : aux constructeurs de s’accommoder de ce qu’ils sont ; la géotechnique le leur permet.
Les catastrophes ne sont pas naturelles : les effets paroxystiques mais normaux des phénomènes naturels sont catastrophiques quand on ne tient pas compte de leur éventualité ; la géotechnique permet d’éviter ou au moins, de prévenir les catastrophes. « On ne résout pas les problèmes en sabrant leurs solutions » (Victor Hugo)
Trente cinq ans après
La première forme de cet essai date de 1971 ; la dernière date de 1997. Entre temps, la géotechnique s’est fait un nom et une place parmi les géosciences et les techniques de la construction, de l’aménagement du territoire et de l’environnement ; mais elle a peu évolué, bien que durant ces trois dernières décennies, son domaine se soit sensiblement modifié. Aux autoroutes se sont ajoutées les voies ferrées à grande vitesse dont les tracés sont plus difficiles à adapter aux sites tourmentés.
Les grands aménagements hydroélectriques, souvent montagnards, étaient à l’échelle régionale ; les centrales électronucléaires, relativement petites et généralement de plaines, sont à l’échelle locale. On a construit davantage de fragiles pavillons que de solides immeubles. Les grandes fouilles urbaines et les grands tunnels ferroviaires et routiers se sont multipliés.
Les problèmes de pollution des nappes aquifères avaient largement dépassé ceux de leurs ressources et exploitations qui redeviennent d’actualité. Le respect de l’environnement qui ne faisait pas vraiment partie des préoccupations des aménageurs de naguère, est devenu l’élément favori d’un projet… Et malheureusement, les dommages aux chantiers et aux ouvrages sont aujourd’hui aussi fréquents qu’il y a trente cinq ans ; ils ont toujours d’aussi graves conséquences économiques et parfois même humaines, mais maintenant, les maîtres d’ouvrages et les juristes contestent souvent l’aléa géologique ou le vice du sol, traditionnellement évoqués par les constructeurs en difficulté. Ainsi, le besoin de géotechnique efficiente est toujours actuel.
Il faut donc rappeler aux praticiens et aux utilisateurs de la géotechnique, qu’il existe une méthode cohérente, stable, facile à mettre en œuvre et efficace. C’est ce qui justifie les éditions successives de cet essai dont la persistance est la meilleure preuve de son utilité.
Des échantillons au site
Le progrès technique général a permis d’améliorer les matériels et les procédés : on dispose facilement de photographies aériennes et satellitaires dédiées ; sur le terrain, on s’implante au GPS ; les sondeuses sont devenues hydrauliques et/ou électriques, plus ou moins automatiques ; les appareils de géophysique et d’essais in situ ont largement profité des développements de l’électronique et de l’informatique ; il en a été de même des appareils de laboratoire et de bureau ; les prises et exploitations de mesures, ainsi que les études elles-mêmes, ont été complètement transformées par l’informatique. Pourtant, les principes, les théories, les méthodes et les pratiques n’ont pas changé : on confond encore géomécanique et géotechnique en faisant passer les campagnes de sondages et d’essais pour des études géotechniques et on ignore la géologie appliquée au BTP qui seule permet d’assurer le passage des échantillons au site, indispensable à l’étude géotechnique de quelque ouvrage que ce soit.
Les principes
Les principes de la géotechnique sont simples mais leur expression est compliquée, car ils procèdent à la fois de la géologie et de la physique, de l’observation, de l’expérimentation et du calcul.
À partir du terrain, la géologie étudie la morphologie et le comportement des géomatériaux réels, roches et sols constituant le sous-sol d’un site, qui sont tangibles, discontinus, variables, hétérogènes, anisotropes, contraints, pesants et bien plus que cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut que le constater. À partir de sondages et d’essais, la géomécanique les réduit aux milieux virtuels d’un modèle qui doivent être continus, immuables, homogènes, isotropes, libres, parfois non pesants et rien que cela : le traitement mathématique l’impose. Pour passer des premiers aux seconds, de la réalité à l’image, il suffit d’un peu d’imagination et d’usage ; pour repasser ensuite et nécessairement des seconds aux premiers, des échantillons au site, il faut ajouter que les géomatériaux ne sont pas désordonnés, que leurs hétérogénéités et leurs comportements ne sont pas aléatoires, mais qu’au contraire, ils sont structurés de façon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la géologie: tout résultat d’essai et de calcul géomécanique incompatible avec une observation géologique, est inacceptable en géotechnique.
Les théories
La plupart des théories géologiques sont établies depuis longtemps et sont largement vérifiées par l’observation : tectonique des plaques – accrétion, subduction ; cycle géologique – surrection, érosion, transport, sédimentation, diagenèse, métamorphisme ; cycle de l’eau – évaporation, transport atmosphérique, précipitations, ruissellement, infiltration, résurgence… La plupart des géomécaniciens n’en tient pas souvent compte ou même les ignore. Dans l’état actuel de nos connaissances mais sans doute par essence, une théorie unitaire de la géomécanique ne peut pas être formulée ; ses théories restreintes de formes artificiellement simples sont trop particulières pour être généralisées ; elles ont une origine occasionnelle : confronté à un problème technique nouveau, un praticien a essayé de le résoudre en s’appuyant sur l’étude expérimentale d’un phénomène qu’il supposait influent et qu’il a isolé ; les lois de Hooke, de Coulomb, de Darcy, les théories proposées par Terzaghi, Ménard… sont plutôt des hypothèses que l’usage ne valide pas toujours. Et même en admettant la possibilité d’une généralisation prudente, on se heurte au difficile passage des échantillons au site ; la géomécanique le fait par intégration d’équations de champs dans des intervalles de définition et des conditions aux limites imposées par la technique de calcul plutôt que par la prise en compte de la réalité, ce qui conduit à des modèles extrêmement schématiques, même si l’on admet que les matériaux des échantillons représentent bien les géomatériaux du site.
Mais la géomécanique ignore ce que sont réellement les géomatériaux d’un site, car elle ne les représente que par quelques paramètres et elle ne manipule que quelques données ponctuelles obtenues par sondages et essais, tellement peu nombreuses qu’il serait ridicule de leur attribuer une quelconque valeur statistique.
Les méthodes
Les méthodes de la géologie sont anciennes et éprouvées : documentation pour éviter de perdre son temps à retrouver ce que d’autres ont décrit et savaient, indispensables observations de terrain, télédétection, mesures géophysiques, sondages étalons… synthétisés par des cartes et des coupes à diverses échelles. Rares sont les géo-mécaniciens qui en utilisent et même qui éprouvent le besoin d’en disposer.
Les méthodes de la géo-mécanique, sondages mécaniques pour établir des coupes et recueillir des échantillons que l’on voudrait «intacts», essais sur ces échantillons, calculs… sont les objets de normes, directives et formules dont le respect est censé les rendre parfaitement sûres ; le constructeur d’un ouvrage endommagé sera certainement considéré comme responsable du dommage souvent qualifié un peu vite de «géotechnique», si l’on considère qu’il ne les a pas respectées, ce qui est le plus souvent subjectif mais difficilement réfutable devant un juge. Afin de définir une méthode cohérente de l’étude géotechnique, il serait vain de remettre en question tout ce dont on dispose ; on n’aurait en effet rien d’autre à proposer.
Par contre, on peut d’abord recenser et critiquer les principes, les théories et les méthodes de la géologie, de la géophysique, de la géomécanique, de l’hydraulique souterraine... pour essayer d’en tirer un fonds commun qui servira de base à cette étude.
Les pratiques
L’étude géotechnique est aussi une opération commerciale généralement engagée après consultation ou appel d’offres, et réglée par un contrat de louage de service qui lie le géotechnicien au maître d’ouvrage ; mal préparée, mal conduite, parfois frelatée, cette opération peut entraîner des déboires économiques et même des dommages matériels au chantier et/ou à l’ouvrage ; il est donc indispensable d’en définir le cadre et d’en critiquer la pratique.
Ainsi l’activité professionnelle du géotechnicien est une source de responsabilité fondée sur des lois et règlements qu’il doit connaître et respecter, mais qu’il peut aussi critiquer : généralement, il n’intervient pas directement sur l’ouvrage ni même au delà de l’avant-projet ; vis-à-vis du maître d’ouvrage, il n’a alors qu’une obligation de moyens, pas de résultat ; il n’est donc pas un constructeur au sens de la loi.
Ce n’est évidemment pas ce que voudraient les assureurs des constructeurs et leurs conseils : ils essaient toujours de convaincre les juges du contraire ; ils peuvent y parvenir si le géotechnicien n’a pas clairement spécifié la nature et les limites de son intervention dans son contrat et dans son rapport. Pour garantir les constructeurs d’un ouvrage endommagé, il pourrait évidemment devoir répondre de son obligation si ses conseils les avaient induit en erreur, mais alors, ce serait à eux de le démontrer. L’efficacité de l’étude Ma conception de la géotechnique est fondée sur une connaissance de la géologie, de la géomécanique, de l’art de l’ingénieur, du commerce et du droit acquise par l’étude, la lecture, la conversation, l’expérience et la pratique de tous les jours pendant plus de quarante ans ; son application impose d’utiliser avec prudence, le peu que l’on sait et dans lequel on n’a qu’une confiance limitée, pour répondre à des questions précises qui engagent des intérêts plus sérieux que son propre prestige.
Elle est justifiée par l’efficacité de l’étude: ça marche ou ça ne marche pas. Et il faut toujours que ça marche! Afin d’alléger ce texte, je ne m’étendrai pas sur ce qui est classique en géotechnique ou que j’ai traité dans d’autres ouvrages ; sans excès de formalisme, j’insisterai par contre sur ce qui, même de façon insolite, peut éclairer la géotechnique sous un angle original ou révélateur pour justifier une démarche pragmatique et cohérente. «Une des bases de la méthode expérimentale est le doute... Il n’y a de vérité absolue que pour les principes mathématiques ; pour tous les phénomènes naturels, les principes desquels nous partons, de même que les conclusions auxquelles nous arrivons, ne présentent que des vérités relatives» (Claude Bernard).
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